Canal Bühler © Grégoire Crétinon
L'appartement est lumineux avec vue sur le lac de Bordeaux d'un côté et un parc de l'autre. « C'est très agréable. La nature est à proximité et nous n'avons pas de vis-à-vis. Une situation qui fait que nous n'avons pas souffert du confinement », explique Olivier, qui habite le quartier Ginko depuis 2015 avec sa compagne.
L'idée de ce nouveau morceau de ville dans le quartier de Bordeaux Maritime remonte aux années Chaban mais prend corps au début des années 2000. Sur 32 hectares, l'écoquartier Ginko de 2.700 logements, conçu par les urbanistes Christian Devillers et Olivier Brochet, héberge 7.000 habitants *. Le programme s'achève avec la livraison en milieu d'année dernière de Coeur Ginko, la zone commerçante qui faisait défaut. Une deuxième école est en construction ainsi qu'un collège, qui doivent accueillir leurs élèves en 2023.
Le quartier est composé d'une trentaine d'îlots, de trois ou quatre bâtiments collectifs, dessinés par une dizaine d'agences. Si les formes sont plus ou moins heureuses, la diversité assumée évite toute monotonie. Quant au label EcoQuartier, il est notamment dû à la chaufferie bois, qui chauffe 80 % des appartements, et à un travail sur la récupération des eaux de pluie.
Large venelle verdoyante
Ginko revendique la proximité de la nature. Même si dans la dernière tranche du projet, beaucoup plus minérale, la végétation est un peu absente. Avec le tramway qui assure une liaison aisée avec le centre de Bordeaux, l'argument nature reste pourtant l'atout numéro un. La proximité du lac de 160 hectares qui, depuis les années 1960, a pris la place d'anciens marais y est pour beaucoup. La végétation est aussi présente dans le quartier lui-même : 40 % d'espaces verts, 150 arbres conservés pendant la construction et 320 plantés.
Une large venelle verdoyante et piétonnière le traverse de part en part sur 800 mètres. Elle croise trois canaux tracés perpendiculairement alimentés par l'eau du lac dans lesquels des canards et un héron ont élu domicile. « Le soir, les accès extérieurs de cette venelle sont fermés et elle ne devient accessible qu'aux habitants des immeubles », insiste Laurent Vidal, un ancien de Bouygues qui s'est reconverti en agent immobilier dans le quartier.
Pour chaque îlot de trois ou quatre immeubles, les habitants ont également accès à une vaste terrasse privative. « C'est agréable, on peut se retrouver en bas. Certains s'installent pour boire l'apéro », explique Anne-Caroline Le Clec'h, une habitante arrivée à Ginko depuis un an et qui anime un groupe Facebook très actif fréquenté par 600 personnes : « On rencontre toujours quelqu'un de connu. On se sent ici comme dans un village. »
Tronçon de la venelle verte entre la place Jean Cayrol et l'avenue André Reinson © Bouygues Immobilier
Poubelles qui débordent
Et pourtant, ce quartier souffre d'une image mitigée. Notamment à cause de ce balcon d'appartement qui s'est effondré suite à des malfaçons. Ce ne fut pas la seule critique faite à Bouygues Immobilier responsable de la construction : fissures sur les murs, fenêtres fermant mal, ou volets roulants défaillants. « Plutôt que bâtiment basse consommation, je parlerais de BBQ : bâtiment basse qualité », persifle Olivier. Des problèmes récurrents sur les premiers immeubles qui semblent toutefois s'être estompés sur les constructions suivantes.
Le quartier souffre aussi de petites incivilités : rodéos à scooter le soir, deal de drogue en un point précis du quartier et parties communes jonchées de détritus dans certains immeubles. Le problème des poubelles enterrées au pied des immeubles qui débordent revient sans arrêt. « Il est bien précisé que la goulotte extérieure n'accepte pas de sac de plus de 30 litres. Regardez celui-ci est plus gros et bloque tout », se désole Laurent Vidal.
© Wikipédia
La dimension participative négligée
Dans un quartier familial avec de grands appartements et qui se veut une vitrine de la mixité avec 33 % de logements sociaux et 22 % d'accessions sociales, on a peut-être oublié la communication. Si les propriétaires sont très informés de leurs devoirs en matière de tri des déchets par exemple, rien n'est vraiment fait à l'attention des locataires. Ginko, écoquartier à la française, souffre aussi de la comparaison avec ses cousins européens.
« La dimension participative, qui constitue un élément majeur dans les pays du Nord, n'a pas été prise en compte ici », reconnaît Céline Papin, adjointe écologiste du nouveau maire de Bordeaux et seule élue à habiter le quartier. Un problème révélateur de Ginko, insiste Anne-Caroline Le Clec'h : « Regardez les restaurants, nous n'avons que des enseignes synonymes de malbouffe. C'est tout de même dommage pour un écoquartier! »
Pourtant, le quartier vit bien. « Il y a davantage de points positifs que négatifs », insiste Anne-Caroline Le Clec'h. Même s'il souffre de sa proximité avec la cité des Aubiers, un grand ensemble qui connaît désormais des tensions. « Ginko possède beaucoup d'atouts avec des gens heureux de vivre ici mais avec des points d'alerte. La mixité sociale suppose ainsi que les habitants de catégories socioprofessionnelles plus favorisées restent à Ginko », insiste Céline Papin.