Bordeaux relance son pavé d’argile

Sud Ouest | 17/04/2013

Tombé en désuétude, le pavé de trottoir traditionnel ressurgit grâce à une vieille PME. Sur les trottoirs de Ginko, l’écoquartier réalisé par Bouygues dans le quartier du Lac, c’est aussi du pavé d’argile flambant neuf.

Bordeaux relance son pavé d’argile

Le pavé de trottoir en terre cuite, typique des rues de Bordeaux, est en train de faire son grand retour. Un temps tombé en désuétude, délaissé au profit d’enrobés plus économiques, il fait une réapparition sur le sol des nouveaux quartiers de la ville. Lorsqu’il est venu inaugurer le pont Chaban-Delmas, le 18 mars dernier, le président François Hollande a foulé un parvis entièrement formé avec ce pavé traditionnel, tiré du sous-sol de la forêt landaise.

Sur les trottoirs de Ginko, l’écoquartier réalisé par Bouygues dans le quartier du Lac, c’est aussi du pavé d’argile flambant neuf.

Son nom : la « cale bordelaise », appellation sans doute liée à sa provenance, au XIXe siècle. Pour François Gondran, l’architecte des Bâtiments de France en poste à Bordeaux, pas de doute, « la cale en terre cuite est à l’évidence un élément du patrimoine. On ne le voit pas dans toutes les villes, il est typique de Bordeaux. C’est un matériau qui a beaucoup de charme, il a des teintes variées, il laisse parfois passer quelques brins d’herbes. Il faut absolument le garder. »

Au début des années 2000, le centre de Bordeaux est un immense chantier. Stockées un peu partout dans des rues défoncées, les palettes de cales bordelaises se comptent par centaines. Pour ce matériau local tombé quasiment dans l’oubli, c’est le début de la renaissance. Mais quand on s’approche des palettes, on découvre la provenance avec étonnement : « made in Belgium ». La cale bordelaise est devenue un produit d’importation. Un comble, alors que la matière première dort dans les sous-bois, à quelques kilomètres de Bordeaux, et qu’il existe une tradition très ancienne. Mais la plupart des briqueteries, qui faisaient avec la même argile des tuiles, des briques et des pots de résiniers, ont disparu.

Perdue au fond de la pinède

Il en reste aujourd’hui moins d’une dizaine dans le Sud Ouest et c’est l’une d’elles, au Barp, près du bassin d’Arcachon, qui alimente le renouveau du pavé de trottoir. Perdu au fond de la pinède, au bout d’une route minuscule, Grès de Gascogne est l’unique fournisseur de pavés de trottoirs de la Communauté urbaine de Bordeaux, laquelle est son plus gros client.

On peut difficilement imaginer circuit plus court que celui-là. Entre le gisement d’argile de Grès de Gascogne et l’usine de pavés, il y a à peine 500 mètres. Et 35 km pour atteindre les premiers trottoirs de Bordeaux. La maison du patron, Jacques Dubourg, est toute proche elle aussi. Collée à l’usine, en fait, héritage de l’époque où il fallait surveiller nuit et jour des fours qui marchaient au bois. Fondée en 1828 sur le site d’une ancienne tuilerie, Grès de Gascogne a été rachetée par la famille Dubourg en 1953. Aujourd’hui, Jacques et son épouse Marie-France sont aux commandes, avec deux employés. Le cycle de fabrication est assez simple : extraction de l’argile à la pelleteuse mécanique, séchage sous un hangar, broyage, malaxage et réhumidification, moulage des pavés, séchage à 60° pendant une semaine, et enfin cuisson à 1 180° pendant 27 heures. Pas de colorant, pas d’adjuvant chimique, et tout ce qui tombe à côté des machines, poudre d’argile ou copeaux de terre pas encore cuite, est remis dans le cycle. Rien ne se perd. Seul rajout avant le malaxage : de l’eau et une pincée de chamotte, poudre d’argile déjà cuite, qui favorise une meilleure cuisson.

C’est en 1985 que Jacques Dubourg s’est lancé dans la cale bordelaise pour une commande passée par la ville de Marmande. 

« Ensuite, je suis allé démarcher la CUB. On leur a donné deux palettes. Je leur ai dit ‘‘ allez-y ! Testez comme vous voulez pendant un an ’’. Ce n’est pas venu tout de suite avec eux, mais aujourd’hui je crois qu’ils sont contents. » 

En 2007, coup de pouce : Grès de Gascogne obtient le label Entreprise du patrimoine vivant, décerné par l’État à des sociétés françaises dotées d’un savoir-faire d’excellence. Chaque année, la société du Barp extrait 2 000 tonnes d’argile du sous-bois landais. À ce rythme, elle dispose de réserves de matière première pour les 100 prochaines années. De quoi faire face au retour de la cale bordelaise.


Cale bordelaise sur les trottoires de Ginko © Wikipédia


Auteur(s) : © Sud Ouest

Réagir

Répondez à l'équation : 14 + 7 =