Adieu petit hérisson de Ginko

par 04/11/2024

Quelques chanceux habitants de Ginko l'ont aperçu cet été, se faufilant entre les herbes du parc Bühler. Ce soir d’octobre, au beau milieu du trottoir de l’avenue Marcel Dassault, un autre (?) hérisson, cette fois sans vie.

Adieu petit hérisson de Ginko


Le hérisson d'Europe est en voie d'extinction © Image de erik-karits-2093459 sur Freepik

Rares sont les passants qui prêtent attention au minuscule cadavre. Tout un symbole d’un effondrement silencieux de la biodiversité qui se déroule sous nos yeux tandis que nous regardons ailleurs, "droit vers l'objectif", absorbés par le quotidien.

Et pourtant, depuis le lundi 28 octobre, le hérisson d'Europe, moins spectaculaire que le rhinocéros blanc et moins médiatisé que la tortue des Galápagos, est  « quasi menacé » d’extinction selon  la liste rouge actualisée publiée  à Cali, en Colombie, lors de la COP16 sur la biodiversité. Victime de la circulation, de l'urbanisation qui grignote son habitat naturel, et du réchauffement climatique qui perturbe son cycle de vie, il disparaît. Chaque petite mort, comme celle-ci, raconte la même histoire : celle d'une nature qui recule, et d'un monde sauvage qui peine à cohabiter avec nous.

Facteur humain

Pourquoi ce hérisson est-il mort sur le trottoir d’un quartier écologique « en lien avec la nature » ? Était-il désorienté par le bruit des travaux du Petit Tour du Lac, dont l'objectif déclaré est pourtant de préserver la biodiversité ? Avait-il été écrasé par un cycliste inattentif ? Un scooter ? Une trottinette ?

Pour se protéger des prédateurs naturels, comme les blaireaux, les renards ou les chouettes, le hérisson ne fuit pas mais se met en boule, utilisant les piquants de son dos comme barrière défensive. Stratégie inefficace face aux véhicules, même lorsqu’il s’agit de « mobilités douces ». 

Faut-il blâmer les pesticides, encore massivement utilisés dans les jardins privés ? Ou bien le déclin des insectes – ces « nuisibles » que nous nous obstinons à éliminer – alors qu'ils constituent une grande partie de son alimentation et s’abritent dans les herbes, sans doute « trop hautes », que nous fauchons soigneusement une fois par mois pour nous réjouir d’un gazon à l’anglaise ?

Dérèglement climatique

Il y a aussi – et surtout – l’habituelle douceur inhabituelle de ce mois d’octobre, qui l’aurait empêché d’entrer en hibernation ou l’en aurait fait sortir prématurément. Difficile d’hiberner correctement quand il fait 20 °C.

Ce hérisson incarne une espèce qui peine à trouver sa place dans des paysages façonnés par la main de l’homme. Pour cet animal à la cuirasse de piquants, incapable de s’adapter aux changements rapides de son environnement, chaque année devient un défi supplémentaire. Sa silhouette familière évoque, pour certains, une enfance passée dans des campagnes où sa présence semblait inébranlable. Tellement familier qu’on le croyait, et que certains le croient encore, éternel. 

Nous ne savons que peu de choses sur ce hérisson trouvé à Ginko : d’où venait-il, pourquoi était-il là ? Était-il un solitaire, unique dans le premier écoquartier bordelais, ou les berges du Lac  abritent-t-elles toute une petite population ? Mais sa présence même résonne comme un écho de tout ce que nous sommes en train de perdre à jamais.

Son petit corps est resté là pendant deux jours. Puis on est passé à autre chose.


Se mettre en boule s'avère inefficace face aux véhicules y compris les mobilités douces dans un éco-quartier. 


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