Bordeaux est extraordinaire. Et je ne parle pas seulement du centre-ville protégé par l’UNESCO, qui rivalise bien sûr avec Bath ou Oxford en termes de cohérence, de beauté et de patrimoine. L’histoire de Bordeaux après-guerre pourrait être racontée comme « une histoire de deux maires ». Jacques Chaban-Delmas – maire pendant près de 50 ans – a supervisé la création de banlieues de barres d’immeubles ; le maire actuel [NDLR : au moment de la publication], peut-être plus controversé, Alain Juppé, a passé les 20 dernières années à planifier l’expansion et la réinvention de Bordeaux à une échelle assez massive.
Bien sûr, les défis financiers, politiques et techniques ont retardé le calendrier de nombreux projets pharaoniques, mais d’une manière ou d’une autre, ils avancent désormais et l’ampleur et la vitesse des nouvelles constructions sont écrasantes – pas seulement pour moi, un visiteur dilettante, mais je sens que c’est aussi le cas pour eux.
Ville TGV
Comme Marseille, Bordeaux sera bientôt reliée à une plus grande partie du réseau TGV et Paris ne sera qu’à 2 heures. Les grands investisseurs et promoteurs ne se contentent donc pas de tourner autour du projet, mais s’engagent : et ils en ont besoin, car le plan est d’ajouter 50 000 habitants d’ici 2030 aux 240 000 habitants actuels de la ville.
Le quartier historique de Bordeaux est à l’ouest de la Garonne et la rive droite, à l'est, a jusqu’à présent été la « zone de service », avec des gares, des entrepôts, des casernes, des marais et diverses autres utilisations industrielles et portuaires. La Rive Droite est par conséquent le centre d’attention évident. Mais les zones au nord et au sud du centre sur la traditionnelle Rive Gauche font également l’objet de plans directeurs énormes ; tous sont reliés par trois nouveaux tramways (très réguliers) lancés par Juppé. Ajoutez à cette scène des ponts, des promenades en bord de rivière et des nouveaux espaces publics bien aménagés, et vous avez une impression d’une ville en plein essor et fière.
[ Lire l'article original comprenant l'analyse des quartiers Euratlantique et Bassins à Flots ]
Ginko Éco
L'écoquartier Ginko de 22 hectares au bord du lac, situé au nord, rappelait Aspern à Vienne et Vauban à Freibourg (en Allemagne), une communauté nouvelle, soudaine et marquée, alimentée par le tramway en périphérie de la ville avec de hautes ambitions écologiques.
Le succès du quartier Vauban m’a semblé plus évident après avoir vu Ginko. Deux fois plus dense, Ginko n’a pas réussi à créer une rue commerçante animée [NDLR : cours de Québec] malgré des ingrédients apparemment similaires. Mon diagnostic à chaud pourrait être que :
- les lignes de tramway semblent fragmenter la rue plutôt que de s’y fondre,
- les commerces ne sont pas aidés à prospérer,
- il y a beaucoup d’investissements locatifs,
- et la communauté se tisse plus lentement car sa formation est rapide et créée par des promoteurs (Bouygues) plutôt que d’être le produit d’une autodétermination lente comme à Vauban.
Les problèmes techniques ont rapproché la communauté Ginko (comme cela arrive souvent lorsque l’innovation dépasse les capacités) avec des résidents engagés formant les ‘Ginko-Bilobiens’ et devenant experts dans l’exploitation de leurs maisons vertes.
L’énorme lac (créé dans les années 60, une impossibilité aujourd’hui en raison de la réglementation écologique) est coupé des habitations par une route très fréquentée [NDLR : avenue Marcel Dassault], ce qui semblait être une erreur majeure.
Un espace vert [NDLR : Parc Bühler] sépare la zone de son voisin des années 70, les Aubiers (comme à Aspern), une autre mesure douteuse mais familière […]. Un parc commercial des années 80 [NDLR : Centre commercial Auchan] subsiste juste au coin de la rue, et un autre est maintenant promis [NDLR : Coeur-Ginko]. Ils doivent s’inspirer du commerce de rue à Vauban pour éviter de dépeupler encore davantage la scène.
Chantier de la résidence So Lac © Municipal